La dénonciation et la démonstration provocatrice de l'image populaire et publicitaire du Pop Art des années 70 n'est plus de mise.

La roue du temps fait son oeuvre, en 1980 SNODGRASS peint cette toile aux allures futuristes « Take your time ».

Les collages sont en noirs et blancs comme pour symboliser le deuil d'une période révolue.
En 1982 Kenneth SNODGRASS va prendre son temps pour s'installer à Collioure.

Il va prendre son temps pour revisiter sa propre histoire intime et artistique. Loin des turbulences médiatiques et des courants avant-gardistes, il va prendre « le temps du silence » en faisant table rase du passé.

En 1985 la série des écritures dite «  letters  » période charnière SNODGRASS réapprend à écrire dans un style léger et spontané.

Cependant, la technique du collage réapparait très vite, mais l'artiste ne colle plus le réel des magazines mais une autre réalité faite de poésie et de fantaisie.

La lumière de Collioure influence la palette de l'artiste.

La paix retrouvée par le biais d'une famille lui donnera l'assurance d'une force tranquille.

Kenneth SNODGRASS comme beaucoup d'artistes a été toute sa vie tenaillé par des interrogations d'ordre métaphysique, spirituel et philosophique.

Pour ce qui est de la période: «  Collioure » deux ouvrages vont retenir son attention et l'influencer.
1• Textes sacrés du Zen: Ces textes vont l'aider à prendre de la distance et à vivre le détachement.
2• Science et conscience : les deux lectures de l'université du colloque de Cordoue.

La théorie relativiste d'Albert Einstein, la théorie quantique qui explore la nature de l'atome, le rapprochement de la science et de la philosophie, réalité physique du monde, contre réalité intérieure de l'homme.

Tous ces sujets alimentent l'imaginaire de Kenneth.
Le thème de la séparation, du corps et de l'âme, de la nature terrestre et spirituelle est récurrent et se traduit souvent dans les tableaux soit par une frontière en carton ondulé, soit par des frises ou une simple ligne rouge. La partie inférieure des tableaux représente la réalité du monde et son quotidien.

Kenneth cherche « le passage » entre ces deux mondes, il cherche son chemin, il se livre en chemin et le chemin le délivre. L'alchimie opère.

Dans les années 90, il rejoint la pensée du traité philosophique de Kandinsky  «  du spirituel dans l'art, et dans la peinture en particulier ».

L'heureux hasard   de KANDINSKY devient chez SNODGRASS le : « raisonnable hasard  »












L'harmonie est présente et dans une liberté retrouvée il n'hésite pas à explorer avec délectation l'univers de lumière de Paul Klee. La simulitude du tableau
« le chemin» de Paul Klee avec la composition du tableau: «cross road» de SNODGRASS est sans équivoque.

Kenneth demeure néanmoins un portraitiste, et dans l'exposition nous pouvons nous arrêter devant le remarquable portrait de « Mathilde » transposant toute la tendresse d'un père pour sa fille dans la plénitude d'un angelot médiéval.

SNODGRASS garde aussi le gout de la caricature et surtout son humour, les portraits se transforment en « têtes stylisées » interpellant notre humanité.

C'est sans concession qu'il fera le bilan de son oeuvre en collant des morceaux de ses tableaux dans sa propre tête, « MicroMan-autoportrait » dans la partie supérieure gauche qui est éclairée, nous pouvons lire le mot : conscience.

- Article de Françoise Demelin -

KENNETH SNODGRASS, UNE RÉTROSPECTIVE AU FIL DES DÉCENNIES.

Lui le bourlingeur céleste issu de la "Beat génération", originaire de Denver dans le Colorado, ce pionner infatigable dans sa quête de l'art, a posé ses valises dans le joyau de la côte vermeille au début des années 1980.
Un coup de coeur qui mit un terme à ses périgrinations...géographiques, mais les interrogations de l'humaniste persistent. L'environnement de son désormais port d'attache va transcender cette recherche qui demeure une obligation, celle d'être fidèle à soi..."sa conversation avec lui-même" aimait-il dire.
Par le biais de la peinture, Kenneth Snodgrass reconstitue et prolonge le charme et la magie de ses errances d'esthète en célébrant d'un tableau à l'autre la double fête de l'espace et de la couleur...Un fascinant atlas où la géographie du réel se dilue volontiers dans les chemins de l'imaginaire, les métamorphoses de la mémoire, les fioritures du souvenir, les embellies du rêve. Et aussi quelque chose comme une lente érosion qui évoque des territoires perdus...

Si le peintre fait rayonner l'espace par la dynamique et le mouvement de lignes horizontales ou verticales comme autant de chemins possibles...ou de courbes, à l'image des routes qu'il a empruntées, Kenneth Snodgrass sait aussi se montrer un coloriste sensible. Des rouges, des ocres et des bleus somptueux aux dégradés chromatiques tout en nuances, de cette lumière propre à la région, tout est suggestion dans cette peinture d'atmosphère.

"Le quotidien, il le décrit de manière subtile en des signes secrets, dessinés, peints et collés. Le voyage intérieur, il le suggère en termes abstraits "écrira un critique d'art*.
Ce n'est pas une peinture à messages, c'est une peinture qui émane: "Les peintures sont à voir, mais rarement sujets de discussion" notait-il dans ses carnets.